Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

était venue avec une amie. Elles se trouvèrent séparées, et lorsqu’il les retrouva, elles s’entretinrent longtemps sans que la dame sût qui était avec lui. Quand le bal fut fini, et qu’ils furent tous trois rentrés, ils raillèrent fort l’amie de sa déconvenue. Elle ne put donner aucune excuse pour sa méprise, si ce n’est que, madame étant avec monsieur, il lui était impossible de supposer que ce pût être sa femme.

La procession est magnifique. Les maisons sont de chaque côté couvertes de tapisseries. Ni le roi ni la reine ne semblent très contents. Le premier est salué, partout où il passe, du cri de : « Vive le Roi ! » mais pas la moindre acclamation n’accueille la souveraine. Elle jette un regard de mépris sur la scène où elle joue un rôle et semble dire : « Pour le moment, je me soumets, mais j’aurai mon heure. » Retour à Paris, où je dîne. Mon opinion sur les sentiments du roi et de la reine est confirmée, lorsque, un peu plus tard, je vais au salon de Mme de Chastellux. Tout en se rendant près de la duchesse, elle m’apprend que le roi est mécontent que le duc d’Orléans se soit présenté comme député et non comme prince du sang, et aussi de ce que la reine n’ait pas été acclamée publiquement. Celle-ci en est profondément blessée. Rencontrant la duchesse d’Orléans qui avait été à maintes reprises aussi acclamée que le duc : « Madame, lui dit-elle, il y a une demi-heure que je vous ai attendue chez moi. — Madame, en vous attendant ici (à l’église Notre-Dame), j’ai obéi à l’ordre qu’on m’a envoyé de la part du roi. — Eh bien, madame, je n’ai point de place pour vous, comme vous n’êtes point venue. — C’est juste, Madame ; aussi ai-je des voitures à moi qui m’attendent. » Je n’ai pu m’empêcher de ressentir l’affront fait à la pauvre reine, car je ne vois en elle que la femme, et il me semble lâche de se montrer dur envers une femme.

Mme de Chastellux me cite une réponse spirituelle de