Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

Madame Adélaïde, tante du roi. Dans un accès de mauvaise humeur, la reine, parlant de cette nation, avait dit : « Ces indignes Français ! — Dites : indignés, madame ! » répondit Madame Adélaïde.

La duchesse d’Orléans n’a pu m’avoir un billet, mais la duchesse de Bourbon a promis d’essayer ; si elle réussit, elle l’enverra au Palais-Royal ce soir, et, dans ce cas, Mme de Chastellux le recevra de la duchesse d’Orléans et me l’enverra. Je rentre chez moi, et je reçois un mot de M. Jefferson m’assurant que je puis avoir un billet chez Mme de Tessé, qui en avait réservé un pour M. Short, mais il n’est pas encore arrivé. Il a fait si beau aujourd’hui qu’en me promenant sans chapeau j’ai attrapé un coup de soleil ; j’ai le front et les yeux très enflammés.


5 mai. — Je vais à Versailles, et j’entre dans la salle un peu après huit heures. Je reste assis dans une position incommode jusqu’à midi. Pendant ce temps, les différents députés entrent, et sont rangés successivement par bailliages. Des applaudissements répétés saluent l’entrée de M. Necker et celle du duc d’Orléans ; il en est de même pour un évêque qui a longtemps vécu dans son diocèse et y a rempli les devoirs de sa charge. On applaudit un autre évêque qui a prêché hier un sermon que je n’ai pas entendu, mais mes voisins disent qu’il ne mérite pas cet honneur. Un vieillard qui a refusé d’endosser l’habit prescrit pour le tiers état et qui a revêtu celui de fermier est de même longuement applaudi. M. de Mirabeau est sifflé, mais de façon discrète. Le roi arrive enfin et s’assied ; la reine est à sa gauche, deux degrés plus bas. Il lit un discours de circonstance, bref et bien dit, ou plutôt bien lu. Le ton et la manière sont pleins de la fierté que l’on peut attendre ou désirer du sang des Bourbons. La lecture en est interrompue par des applaudissements si chaleureux et si communicatifs que les larmes inondent mon visage malgré