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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

moi. La reine pleure ou semble pleurer, mais pas une voix ne s’élève pour elle. J’élèverais certainement la mienne si j’étais Français ; mais je n’ai pas le droit d’exprimer mes sentiments, et c’est en vain que je prie mes voisins de le faire. Le roi, ayant fini de parler, se découvre ; il remet ensuite son chapeau, et la noblesse suit son exemple. Quelques membres du tiers état font de même, mais se découvrent de nouveau peu à peu. Le roi retire sa coiffure encore une fois ; la reine semble croire qu’il a tort, et dans une conversation qu’elle a avec le roi, celui-ci semble lui dire que son désir est d’agir ainsi, quel que soit le cérémonial prévu, mais je n’en suis pas sûr, étant trop loin pour voir distinctement, et surtout pour entendre. Les nobles eux-mêmes se découvrent peu à peu. Si ces trois manœuvres sont prescrites par le cérémonial, les troupes ne sont pas encore suffisamment exercées.

Après le discours du roi, et tous ces mouvements de chapeaux, le garde des sceaux prononce un discours beaucoup plus long. Son débit est très mauvais et si confus que l’on n’en pourra parler qu’après l’impression. Ensuite, M. Necker se lève. Il essaie de jouer à l’orateur, mais il s’en tire très mal. L’auditoire le salue d’applaudissements répétés et enthousiastes. Mis en verve par ces marques d’approbation, il tombe dans les gestes et dans l’emphase, mais son mauvais accent et la gaucherie de ses manières détruisent beaucoup de l’effet que devrait produire un discours écrit par M. Necker et prononcé par lui. Il demande bientôt au roi la permission d’avoir recours à son secrétaire ; cette autorisation est accordée, et le secrétaire continue la lecture. Elle est très longue. Ce discours contient beaucoup de renseignements et de bien belles choses, mis il est trop long ; il y a de nombreuses redites, trop de compliments et de ce que les Français appellent emphase. Les applaudissements étaient bruyants et ininterrompus. Ils convaincront le roi et la reine du sentiment national, et