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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

27 mai. — Aujourd’hui, immédiatement après mon déjeuner je suis dérangé par Sir How Whitford-Dalrymple et un certain M. Davis. Ils restent longtemps et discutent à fond diverses questions politiques. D’après ce qu’ils me disent, le cabinet britannique suivrait avec une grande attention ce qui se passe aux États généraux. Je leur dis que, si le roi de Prusse n’était pas une nullité, l’Angleterre aurait beau jeu à la mort de l’empereur ; lors de l’élection de l’archiduc, elle soutiendrait les électeurs de Bavière, donnerait la Saxe à la Prusse, et s’emparerait pour le compte du Stathouder, des Pays-Bas autrichiens. En y joignant certains petits évêchés des environs, cela formerait une monarchie respectable, et de cette façon, en y comprenant le Hanovre, la Grande-Bretagne se créerait une barrière étendue, qui enserrerait son ennemi de presque tous les côtés. Tandis que, si la France établit un gouvernement libre, elle pourra facilement se faire céder par l’Autriche, moyennant une compensation territoriale d’un autre côté, ou contre argent, les droits de cette dernière sur la Flandre ; si elle s’annexe alors la Flandre et la Hollande, elle deviendra l’arbitre incontestée du sort de l’Europe. La Hollande (c’est-à-dire les Pays-Bas-Unis) est actuellement dans une situation qui ne peut pas durer, et son sort dépend des mesures qu’elle va adopter ; si la France se dispose à agir, son premier acte sera, dans tous les cas, de rechercher notre alliance, le sort des Antilles devant dépendre de l’alliée que nous aurons en Europe. Nous verrons plus tard le résultat de mes suggestions. Je vais dîner chez Mme Foucault, fille de mon vieil ami Jacques Leray de Chaumont. Elle est à sa toilette, et l’on m’assure que c’est une femme galante. On bavarde sur la politique pendant le dîner. Mme Leray de Chaumont me parle de façon très raisonnable pour une personne que l’on dit toquée. À l’issue du repas, promenade aux Champs-Élysées où je rencontre M. de Durfort ; il me dit que les troupes rassem-