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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/91

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

à un tel impôt. Je lui dis qu’il a un bien mauvais métier, et que j’ai appris que l’Assemblée nationale va réformer ces institutions. Il en a entendu parler, mais, comme c’est leur seule manière de gagner leur vie, ils devront continuer aussi longtemps que possible. Je lui donne un shilling, et pour répondre à sa routine habituelle de bons souhaits (qu’il répète de ce même ton insouciant qui caractérisait mon ami, le docteur Cooper, du King’s College, lisant la litanie), je lui souhaite un meilleur métier. Mon souhait est plus sincère que le sien, d’un shilling au moins. À onze heures, je quitte Calais avec un passe-port régulier du nouveau gouvernement. Je traverse l’Oise. Près de Clermont, sur ses bords, est le château du duc de Liancourt ; c’est à son intervention que l’on attribue la retraite opportune du pauvre Louis XVI après la prise de la Bastille.

Obligé de m’arrêter à Chantilly pour réparer la clavette d’essieu de la voiture, j’examine les écuries ; c’est une magnifique habitation pour vingt douzaines de chevaux, qui ont l’honneur de dîner et de souper aux frais de Mgr le prince de Condé. De là je regarde l’extérieur du château, sans avoir le temps de l’examiner en détail. Ce devait être une place forte, avant l’invention des canons. Maintenant le fossé large et profond qui l’entoure et qui est constamment rempli d’eau excellente, fournit une demeure agréable à une variété de carpes tachetées de blanc venant, au son de la voix, manger le pain qu’on leur jette. Mon guide s’occupe de politique, mais il n’a pas les idées du jour. C’est un chasseur du prince et il trouve mauvais que tout le monde ait le droit de chasser. En chemin je remarque une manière peu ordinaire de chasser la perdrix. Les chasseurs, armés de massues, se répandent dans les champs de tous côtés. Quand un oiseau se lève, on le poursuit jusqu’à ce qu’il soit fatigué au point de périr sous les coups. Martin regarde cela comme un péché et une honte, mais,