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journal de marie lenéru

pourtant, me martyrise parce qu’elle représente un obstacle d’une heure et demie entre mon travail et moi.

Tout ce que je ne donne pas à mon entraînement mental, le temps que me prennent les autres, la lenteur des mouvements, les distances à franchir, tout cela me vole, me pille l’avenir.


Mardi 28.

Je voudrais, je voudrais, je voudrais… Mais voyons plutôt ce que je fais. Mes langues : latin. Je relis les lettres de Cicéron. Les grands seigneurs que ces républicains-là ! On vit à Rome comme un lord anglais sur ses terres. On envoie ses esclaves en courrier sur mer, en Afrique, en Asie… Et j’avance lentement Tacite en criblant bien chaque phrase et ce qu’elle peut me réserver d’inconnu. J’aime cette belle langue intelligente et maniable, je parle du latin en général.

En allemand, je lis les textes de mes albums de peintres : Quelque chose de trop inférieur sur Vinci. Avoir été un monde de pensées et de sensations, avoir eu la religion de tout en soi, ne s’être jamais infligé le soufflet d’une abstention… Et cela, avec la même tenue, la même hauteur, la même autorité qu’un ascétique.

Italien, d’Annunzio.