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année 1899

en rang de perles qui sont éternellement les nuages de beau temps sur mer. Les menus de la Bellone[1]. J’aime cette promenade du matin sur l’énorme plage déserte, sur le sable dur et brun comme un tapis de caoutchouc, respirant, à chaque souffle, tous les parfums de ma toilette, avec l’arrivée majestueuse des grandes vagues roulées comme des tuyaux d’orgue, intactes sur un front de vingt mètres, la retombée étincelante, puis neigeuse, la grande salutation des lames.

Je lis « les Tenailles « d’Hervieu, c’est plus triste que tout. Une seule chose me paraît lugubre : le bonheur sournois des faibles. Ne nous payons donc pas de mots ! Il faut vouloir son bonheur jusqu’au bout ; ce qui nous regarde, c’est que ce ne soit pas un bonheur vil. Ma morale ressemble beaucoup à celle des Perses : ne pas mentir et envoyer ses flèches dans le but, ou même mentir si cela nous plaît, pourvu que ce ne soit pas un mensonge qui demande grâce, car une part au moins de notre sincérité ne doit rien à quiconque.

L’autre matin, marée très basse, je me suis avancée sur le sable mouillé, poli comme un miroir, et puis

  1. Quand son grand-père l’amiral Dauriac commandait les côtes de l’Afrique, un de ses aspirants ornait fréquemment ses menus de dessins remarquables, dont la collection est précieusement gardée.