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ANNÉE 1901

agitée, ce qui ne prohibe nullement le profond recueillement de l’attitude et des apparences de la vie.

Ne pas se laisser prendre au dédain commode de l’inaccessible, à la paresse qui n’essaie pas de toutes les velléités, à la béate incurie du parcage social.

Il n’y a pas une possibilité dont je ne ressente en moi la certitude. Comme Bussy d’Amboise, je n’ai jamais lu d’une action dont je ne me sois sentie capable.


Jeudi 15 août.

Je me rappelle qu’au Villars de Lans, le 15 août 1891, à l’époque où je priais sans livre et sans écart toute une grand’messe durant, je me rappelle m’être ajournée de 15 août en 15 août, et je prévoyais : enfin dans dix ans…

Eh bien, mon Dieu, je recommence : dans dix ans je serai encore jeune, en somme, et d’ailleurs j’aurai si peu aimé la jeunesse !

Je ne l’aime même plus chez les autres, cet âge ingrat moral, cette enfance qui dure trop.

J’ai placé ma vie de 30 à 50 ans. Mais ces vingt ans, il me les faut. Moyennant quoi j’accepte le passé et je l’aime de m’avoir faite ce que je suis : exceptionnelle.

J’emploie ce mot au sens exact, sans aucune idée de supériorité.