Page:Journal de Marie Lenéru.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
JOURNAL DE MARIE LENÉRU

là une maîtrise à gagner. Le style est pour l’attention, avec la bataille rangée peut-être, un entraînement admirable.

Écrire, apprendre à choisir, à délibérer, apprend la décision motivée, apprend un infini dans les nuances et les impondérables du tact, apprend à coordonner, à vouloir et faire l’ordre, apprend la curiosité, c’est-à-dire le désir et la direction, c’est-à-dire la volonté.

Écrire, apprend à saisir.

J’ai un besoin de style nullement littéraire, j’ai besoin d’écrire pour vivre et réussir ma vie, alors même que je n’imprimerais rien. En somme écrire étant la plus profonde manière de penser, l’est également de vivre.

Écrire, c’est l’oraison. Réaliser par le style les cinquante années intérieures de sainte Thérèse.


15 novembre.

J’ai rangé la musique ce matin. Beethoven, Mozart, Schumann, les Échos d’Allemagne et jusqu’à mes études de Stephen Heller. Si je guérissais à 30 ans, ai-je calculé, j’aurais encore le temps de tout connaître et de tout jouer. D’ailleurs, un jour peut-être, quand je serai plus vieille, j’apprendrai à lire la musique.