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ANNÉE 1903

n’ont rien à voir avec la nécessité, il n’y faut que l’espace et le temps. »

« Si, tout de même, le courage de vivre. »

« Tout ce qu’on souffre est de la mort fragmentée. On n’a aucune raison de préférer le total quand on n’aime pas les morceaux. »

Je ne sais d’où me vient cette âme liturgique, j’ai tous les instincts de la vie monacale, jusqu’à la hantise des commémorations. Que de fois l’on m’en a voulu d’aimer parler des morts comme des vivants.

Les hommes ne sont pas si religieux qu’ils croient, à moins qu’on entende, par religion, la peur de Jupiter qui tonne — et le respect de Jupiter qui arrête.

Des moments où il faut bien étouffer. La voix humaine me manque, ce lien plus solide, plus cordial qu’un regard. Les portraits aussi regardent, les morts regardent. Je suis entourée de morts dont je me souviens avec difficulté… l’effort de toute relation au monde… et qu’il en soit ainsi toujours, avec répétition, avec défense d’en sortir, quand je passerais cent ans au milieu d’eux !


29 mars.

Je ne veux plus donner mon avis sur l’intelligence des gens, pour ne pas profaner ce que j’entends par