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ANNÉE 1912

teaubriand, de Musset, de Mme  de Noailles. Ô mes grands confrères quelle absence de prestige vos sentiments ont toujours eu pour moi… ! Ceci est l’amour dont on ne plaisante pas. Est-ce atavisme chez moi, est-ce acuité de sens critique, cette impossibilité d’accepter l’homme privé de certains dons et même de certaines fonctions proprement militaires ? De qui est cette admirable définition du héros : celui qui a donné de l’homme concret, vivant, la formule la plus saisissante ?

Un homme qui ne monte pas à cheval, qui n’a pas manié des armes, qui n’a pas commandé sur un champ de bataille, qui n’a pas résisté de corps et d’esprit aux fatigues militaires, qui n’a pas dans le regard ce sérieux poignant, cette simplicité inimitable de celui qui voit mourir, pour peu qu’il ait l’âme bien née, enviera toujours quelque chose à ses frères soldats. Un admirable portrait de Detaille ouvre le livre. Le peintre a compris la gravité, l’émotion de l’héroïsme. Aucun panache, aucune provocation dans les attitudes des noirs et de leur chef descendant de cheval, mais ce quelque chose de gonflé, de souffle contenu, et en même temps cette humanité extra-sociale que les chefs contractent dans l’habitude d’aimer et d’estimer hors de leur caste.

La merveilleuse carrière ! Le commandant suprême sur un « territoire » plus grand que la France,