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XL
PRÉFACE

sublime de Gavarnie ce fut aux dépens des visions angéliques offertes à sa foi printanière.

Et maintenant, au sortir des pages enfantines, si nous pénétrons dans le journal de la grande personne, nous éprouvons l’horrible sensation qui guette Marie chaque matin à son réveil, lorsque la tête enfouie dans l’oreiller elle croit entendre les bruits de la maison de Brest : fracas de la rue de Siam, sifflets des canonnières, salves, et enfin le bonjour de la femme de chambre, alors ses paupières se soulèvent sur ses pauvres yeux presque aveugles et la désolation quotidienne recommence pour ce cerveau qui bouillonne à l’intérieur d’un marbre de statue. Contemplons Marie, prisonnière de son infirmité, se heurtant la tête contre les barreaux de sa cage. Sa religion, pendant les premières années, l’accompagne et la soutient encore un peu, mais si peu !…

« J’aurai beau prier, je ne pourrai plus être heureuse comme une autre… — L’isolement m’a conduite à la réflexion, la réflexion au doute, le doute à un besoin de Dieu plus sincère et plus intelligent… — J’ai l’âme religieuse, je suis dégoûtée de ceux qui ne vivent pas leur vie éternelle… — Trois dizaines de chapelet en marchant dans la prairie… Je ne crois pas à la banalité d’une prière, même orale. Elle vaut toujours l’intention qui la prononce… En le redisant toujours (le chapelet) on ne le répète jamais… »