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journal de marie lenéru

regardant ma montre, en effeuillant le calendrier, c’est toujours, toujours cette pensée, que j’approche d’un avenir moins intolérable. « J’ai marché si longtemps que je dois être près. »

Oh ! à présent, je n’ai plus la vocation du martyre, plus rien de mon acceptation janséniste, je veux passionnément guérir.


13 août.

Ce qui me ferait désespérer, c’est qu’ayant admiré la force des raisons catholiques, je me démène encore dans les résistances. Serait-ce que je suis encore si « merveilleusement corporelle » que les raisons ne me persuadent pas assez ? Malebranche me fera du bien.

Et puis, quand on est plongé dans le noir de la vie et que l’habitude est venue, il y a une difficulté à tenir compte de cette vocation au bonheur, fondement de toute religion.

Quelque chose encore dans le caractère particulier de mon infirmité, agit sur tout ce travail intérieur : l’isolement si spécial et inhumain — au sens propre — qu’est l’absence du son. Le son est de toutes les perceptions celle qui nous met le plus en contact avec la vie. Je suis maintenant persuadée qu’à ce point