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Page:Journal de physique, de chimie, d'histoire naturelle et des arts, Tome 49, 1799.djvu/426

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JOURNAL DE PHYSIQUE, DE CHIMIE

convaincre que la commotion[1] que j’éprouvai à cette grande distance étoit due singulièrement à l’agitation violente d’un fluide subtil et élastique qui avoit la faculté de traverser la masse du sol sans résistance, ou plutôt qui s’y trouvant répandu, y propageoit les ébranlemens violens qui venoient de lui être communiqués.

La matière qui occasionna la commotion dont il s’agit, produisit les plus grands effets sur les corps denses, et ne fit point osciller le feuillage des arbres ; ce que j’observai étant à ma fenêtre, et faisant face au lieu où s’opéroit cette terrible détonnation. Une porte de communication de ma chambre à une pièce voisine s’ouvrit, et les plus légers ébranlemens ne se firent point remarquer dans les rideaux. Le piton d’un crochet de fer qui tenoit une autre porte fermée, s’arracha, pendant que dans le même lieu le calme de l’air se faisoit ressentir par le repos des corps légers. J’appris le lendemain que dans une maison fort élevée qu’occupoit alors le citoyen Crapelet, imprimeur (rue des Carmes), la commotion s’étoit si fortement fait ressentir dans le bas, au rez-de-chaussée de cette maison, que les ouvriers y avoient été effrayés de l’ébranlement qu’ils remarquoient dans les meubles de leur atelier ; tandis que le citoyen Crapelet qui se trouvoit alors au 4e étage de la même maison, n’avoit point ressenti de commotion, mais avoit seulement entendu par la fenêtre le bruit que l’explosion avoit occasionné.

Les grandes agitations de l’air par déplacemens, comme les vents tempêteux, peuvent causer le renversement des édifices,

  1. La commotion que je ressentis à une aussi grande distance du lieu de son origine, n’étoit pas, comme on pourroit le croire, le résultat d’une compression successive des parties du sol comprises entre le lieu où j’étois, et celui où se faisoit l’explosion. Car on sait que l’effet de la compression est non-seulement proportionnel au degré de force avec lequel agit le corps comprimant, mais aussi au degré de compressibilité du corps comprimé ; ensorte qu’une masse sera d’autant plus comprimée par la force comprimante, que ses parties seront moins dures et plus susceptibles de céder à la compression. Ce n’est assurément pas la masse terreuse et pierreuse qui constitue le sol qui a subi la commotion dont il s’agit, et que comparativement au fluide subtil qui la pénètre, on jugera très-susceptible de céder à la compression.

    Tandis qu’un fluide subtil, éminemment élastique par sa nature, répandu dans toutes les parties du globe et dans toutes les masses qui le constituent, recevant tout-à-coup, par l’explosion en question, une compression énorme et subite, a dû communiquer, de proche en proche, à ses parties voisines, la compression qu’il venoit de recevoir, et par suite de son ressort, s’efforcer de se rétablir par-tout dans son premier état ; ce qui a produit la commotion et les accidens observés.