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Page:Journal de physique, de chimie, d'histoire naturelle et des arts, Tome 49, 1799.djvu/425

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ET D’HISTOIRE NATURELLE.

sommes sans cesse plongés, qui se trouve par conséquent interposé entre tous les corps et nous, que nous connoissons en quelque sorte de tout temps, qui nous semble d’ailleurs jouir d’un ressort considérable, devoit être la matière même qui nous affecte dans la sensation du son ou du bruit. Il étoit raisonnable de croire que c’étoit ce même fluide qui, dans le choc des corps, recevoit un ébranlement ou des vibrations dans un degré de force proportionné, et propageoit cet ébranlement ou ces vibrations jusqu’à notre ouïe.

C’est en effet ce qu’on a pensé jusqu’à présent, et c’est sans doute ce qu’il faudroit continuer de croire, si l’observation des faits ne nous apprenoit d’une manière convaincante, que le fluide, quel qu’il soit, qui a la faculté de nous transmettre le bruit ou le son, a aussi celle de le transmettre à travers des milieux et des corps que l’air commun ne sauroit traverser.

Nous allons voir que la matière fluide qui forme le bruit ou le son, a la faculté de propager à travers différens milieux, et sur-tout à travers des milieux solides, les ébranlemens ou les vibrations qu’elle peut recevoir du choc des corps, et qu’en conséquence, il est nécessaire que sa ténuité ou son extrême rarité la mette dans le cas de traverser facilement ces différens milieux. Or, on sait que l’air commun ne sauroit traverser une vessie de porc lorsqu’on l’y enferme, et qu’on peut le retenir à son gré dans toutes sortes de vaisseaux ; il n’a donc point les propriétés dont jouit évidemment la matière propre du son.

Lorsqu’arriva l’affreux accident qu’éprouva la poudrerie établie dans la plaine de Grenelle, près Paris (le 14 fructidor an 2)[1], je distinguai très-bien la commotion qui ébranloit tout, et qui causa tant de dommages dans les matières fragiles, du bruit ou craquement remarquable qui lui succéda, et qui parvint à mon oreille à travers l’air commun.

Je m’aperçus clairement que le fluide qui causa la commotion que je ressentis dans le lieu où je me trouvois, arrivoit à moi à travers la masse du sol, me pénétroit et occasionnoit en moi une sensation sourde et particulière, très-distincte de celle que le bruit qui se progageoit à travers l’air vint opérer sur mon ouïe. Je suis convaincu que l’air commun étoit incapable de produire de semblables effets ; car quelles que soient les ondulations ou les vibrations qu’on pourroit supposer s’être alors formées dans sa masse, elles ne pourroient s’être propagées à travers le sol à la distance d’environ 5 kilomètres (plus d’une lieue), où je me trouvois, avec la célérité et la force que je remarquai dans cette circonstance. J’eus donc occasion de me

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  1. Note de WIKISOURCE : Le 31 août 1794.