Page:Journal de voyage d'un Troyen en Extrême-Orient et autour du monde.djvu/30

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à toute vapeur pour regagner le temps perdu. À la tombée de la nuit, on commence à mettre les housses sur les meubles, à calfeutrer par des toiles les ouvertures de la salle à manger. Dans les cabines, chacun renferme les vêtements clairs. C’est qu’on doit faire du charbon à Port-Saïd, opération peu agréable pendant laquelle tous les passagers quittent le bord. Nous en usons environ cent tonnes par jour, ce qui représente une dizaine de wagons.

Le beau temps a fait revenir tous les passagers sur le pont. Un fonctionnaire de Tahiti se met au piano, et joue Faust. Je chante le rôle, et quand arrive la réponse de Marguerite, je prends mon organe de contralto. L’acoustique est bonne, ma voix de cantatrice est claire et vibre fortement. Des passagers sont entrés au salon ; ceux qui sont dans la salle à manger à prendre le thé et ne peuvent voir le piano, se demandent quelle est la grande chanteuse ; les fenêtres se garnissent de têtes ; on rit, et il semble que la glace va se fondre entre les compagnons de voyage. Nous continuons par l’Ave Maria de Gounod, des polkas, des valses. Comme nous approchons de Port-Saïd, Mad joue une bamboula, et comme le piano à queue est ouvert, Paul frappe avec la main sur les cordes basses, ce qui produit un accompagnement tout à fait typique.