Page:Journal des économistes, 1843, T4.djvu/185

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tère propre ; elles ne marchent point ensemble et de front ; elles se développent, au contraire, quelquefois au détriment l’une de l’autre. C’est un phénomène auquel on ne résiste pas, et qui tient invinciblement à l’insuffisance humaine. De nos jours nous avons une civilisation industrielle qui se produit très-probablement à l’encontre de certaines qualités ; qui énerve peut-être courage et l’énergie nationale, qui affecte le sens moral et esthétique des peuples, qui développe avec l’amour des richesses l’égoïsme et l’individualité. Cependant cette civilisation industrielle devient un fait indomptable et général que le plus grand nombre applaudit et favorise, et que des efforts séculaires ont préparé. Il paraît être salutaire, puisqu’il a l’assentiment des sociétés en masse, et qu’en définitive, il ne s’établit qu’avec cet assentiment, et cependant cette civilisation industrielle n’est pas à l’abri de la critique. Le grand nombre lui attribue un bienfaisant empire, les autres en voient que ses funestes effets sur la vie intellectuelle des peuples. On ne fait point, en général, la part de chaque chose, et chacun des adversaires, placé à un point de vue particulier, déduit de la ses théories et ses réformes. Il n’établit pas les comparaisons dont nous avons parlé plus haut ; il se renferme dans des appréciations absolues, et ne tient pas compte de cette infinité de circonstances secondaires qui accompagnent toujours un fait générateur et magistral. Nous le répétons, le développement et le bien-être de l’humanité ne peuvent être que relatifs, et, pour les apprécier, il faut les comparer à des époques antérieures. Cette comparaison, ce nous semble, est tout à l’avantage des générations actuelles, et si les masses, dans les parties du globe où la civilisation a pénétré, pouvaient être interrogées, alors elles confirmeraient notre jugement. Certainement, pour tous les hommes qui envisagent les destinées sociales avec une certaine élévation d’esprit, la civilisation industrielle n’est pas un but, mais un moyen seulement. Cependant, quoi qu’il en soit à cet égard, et à ne considérer que le mouvement lui-même, si, comme nous en sommes convaincus, ce mouvement est salutaire, il faut non-seulement l’accepter, mais le favoriser encore. On voit assez par nos prémisses que nous lui reconnaissons tous les vices et tous les défauts qu’entraîne l’initiative humaine, mais ces vices et ces défauts ne sont pas une raison suffisante pour arrêter le mouvement lui-même. Il faut uniquement en atténuer les inconvénients, et ramener autant que possible le fait capital à sa signification générale.

En économie politique plus que dans aucune autre branche de connaissances humaines, on s’est appliqué à ne voir que les extrêmes et à défendre des systèmes absolument opposés. C’est là surtout qu’on n’a pas voulu tenir compte des imperfections de notre nature, des limites étroites de notre intelligence et des conflits inévitables qu’engendre tout état social, quel que soit d’ailleurs le degré d’avancement de la civilisation. Il faut se persuader que nous n’arriverons jamais à ce bien-être