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vidence, et n’est-ce pas avec raison qu’on peut dire, en économie sociale comme on l’a dit en morale, l’homme s’agite et Dieu le mène ?

La science marche ; la science, c’est la connaissance du pouvoir de l’homme sur la nature, et ce pouvoir, c’est le mouvement. Or, le mouvement croît en progression géométrique. — Un jour vint que les hommes, mieux à l’aise, eurent du loisir pour écouter. Alors le temps des livres était venu aussi, l’imprimerie put aider à la diffusion de la pensée de tous. Aujourd’hui la pensée a germé, il s’agit de l’appliquer, de la matérialiser, de pratiquer la science, d’étendre le mouvement, en un mot. Voici que la vapeur, les chemins de fer viennent donner une impulsion toute nouvelle aux prodigieux efforts de l’humanité vers le bien-être.

N’est-ce pas assez pour l’orgueil de l’homme ? Le pouvoir de se réunir les uns aux autres, de se transporter à une distance prodigieuse en quelques heures, n’est-il pas encore suffisant à leur gloire ? Veulent-ils que la pensée, plus rapide que la lumière, rapide comme elle-même, soit, au moment où elle se produit, connue à l’extrémité du globe ? qu’ils dressent un faible fil de fer, et cette pensée fera dix fois dans un instant le tour du monde. N’est-ce pas le comble du prodige ; et l’homme, en découvrant les secrets de la nature, ne se rapproche-t-il pas de la Divinité devant laquelle il incline sa faible raison ?

Et quand toutes les découvertes du génie tendent à rapprocher ainsi les hommes, à créer entre eux une entière solidarité, combien ne doivent pas sembler mesquines les combinaisons appelées politiques, qui cherchent encore à séparer les intérêts, à parquer chaque nation dans son coin de terre, à faire enfin de ces grandes questions du bien-être de l’humanité de basses et viles questions de rapine, de cupidité et d’exploitation !

Au milieu de cette tendance encore générale où les gouvernements sont poussés par les intérêts les plus puissants, du jour où vient la discussion, ce n’est pas sans une grande joie que nous voyons se grouper autour de nous un cercle de lecteurs de plus en plus nombreux. Ce n’est pas sans quelque orgueil que nous entendons citer l’opinion du Journal des Economistes comme une autorité, et que souvent les solutions données par lui finissent par prévaloir. Au reste, la raison de ce fait intéressant est facile à saisir ; les rédacteurs du journal sont en même temps les hommes qui occupent le premier rang parmi nos corps savants et politiques ; dans toutes les réunions d’hommes qui concourent à l’administration, les rédacteurs du Journal des Économistes ont une place distinguée ; dans les Chambres, dans les Conseils généraux, dans la magistrature, au Conseil d’État, aux Conseils municipaux, dans les Facultés, dans les Académies, leur voix est prépondérante. On ne saurait donc s’étonner de la voir un jour écoutée par le public, ni que leur force individuelle, réunie en faisceau, pesât d’un poids considérable dans la balance de l’opinion.