Page:Journal des économistes, 1846, T16.djvu/152

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tres que les parents appellent n’ont eux-mêmes qu’une instruction médiocre et superficielle ? La société s’abaisse quand l’instruction publique s’abaisse. Voilà ce que Smith aurait mieux compris s’il avait su qu’une force morale préside à toute espèce de travail, et que c’est l’esprit qui gouverne la société et le monde. Élever sans cesse, agrandir, étendre, fortifier, développer l’esprit, n’est donc pas un objet d’une médiocre importance, et qui se puisse livrer au hasard ! Le devoir de l’État est donc de soutenir l’instruction publique à une certaine hauteur par des moyens certains, placés au-dessus des égarements ou des défaillances de l’intérêt et de l’opinion. Ces moyens sont des établissements publics, aux dépenses desquels les particuliers doivent concourir pour s’y intéresser, et puisqu’ils en profitent, mais qui doivent être protégés par la société, puisqu’ils ont pour objet l’utilité générale, et soutenus tantôt par les communes et les villes, tantôt par les provinces, tantôt par l’État lui-même.

M. Cousin s’explique dans une autre partie de son Mémoire sur la question controversée de savoir si c’est à Smith ou si c’est à Turgot et à ses amis, et particulièrement à Quesnay, qu’appartient la priorité des principes essentiels de l’économie politique. Deux choses sont également évidentes pour l’auteur du Mémoire : toutes les idées, vraies et fausses, des économistes français étaient arrêtées avant le voyage de Smith à Paris, en 1764, et tous les matériaux du grand ouvrage de Smith étaient amassés avant ce même voyage. Les écrivains français qui ont prétendu que les conversations de Turgot et de Quesnay initièrent Smith à l’économie politique, ont été naturellement conduits à cette opinion en considérant qu’avant son voyage en France, en 1764, Smith n’avait pas écrit une seule ligne d’économie politique, et que c’est depuis ce voyage qu’il composa ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, lesquelles n’ont paru qu’en 1776. La conclusion est très-naturelle, et pourtant elle est entièrement fausse. On oublie que Smith avait professé pendant de longues années l’économie politique, avant de venir en France, et que cette science faisait partie intégrante des cours de philosophie morale qu’il donna à l’Université de Glascow, de 1752 à 1763. C’est de ces cours qu’il tira la Théorie des sentiments moraux, en 1759, et de ces mêmes cours qu’il tira les Recherches en 1776. Cette dernière date est bien celle de la publication des Recherches, mais non pas des travaux qui leur ont servi de fondement. D’ailleurs, un document certain, un manuscrit même de Smith, cité par M. Steuart, atteste qu’en 1785 Smith était en possession des opinions les plus importantes développées dans les Recherches. Ainsi, la seule chose qui demeure incontestable, c’est que Smith ne put converser avec des hommes tels que Turgot et Quesnay, sans profiter beaucoup de leur entretien. Dans quelle mesure ? Il est impossible de le déterminer. Mais lui-même s’est plu à rendre hommage à Quesnay, et M. Steuart déclare qu’il a entendu dire à Smith que, si la mort de Quesnay ne l’eût prévenu, son intention était de lui dédier son ouvrage sur la richesse des nations.

M. Blanqui, dans quelques observations, a revendiqué pour les économistes français la priorité de quelques-uns des grands principes qui ont servi de fondement et de point de départ à la science de l’économie politique.

— Dans un fragment de l’histoire du Parlement de Paris, que M. Aubenas a été admis à communiquer à l’Académie, l’auteur a montré, en s’appuyant sur de nombreux documents inédits, les excès sanguinaires auxquels se porta