Page:Journal des économistes, 1848, T20.djvu/17

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ou par une assistance indiscrète. Laissez s’accomplir en paix le travail des siècles ; laissez passer l’humanité.

Cette pensée lumineuse, qui avait inspiré l’école de Quesnay, elle la traduisit elle-même dans le titre de l’ouvrage qui contient l’exposé de ses doctrines : Ordre naturel des sociétés ; titre qui marque assez clairement le point de départ et l’objet de la science nouvelle. C’est, en effet, à l’exposé, au développement, à l’explication de cet ordre naturel, découvert par Quesnay et son école, que, dans la suite, tous les ouvrages des vrais économistes ont été consacrés. Dans les études qu’ils ont faites sur ce beau sujet, ils ont pu se tromper quelquefois, et il est vrai de dire qu’ils ne sont pas toujours d’accord. Mais, malgré quelques divergences, leur point de départ du moins est demeuré inattaquable, et leurs disputes mêmes, dont on se prévaut quelquefois, attestent l’existence des lois à l’étude desquelles leur raison s’applique.

Eh bien ! est-ce lorsque, par un siècle d’études et de travaux, tant d’hommes illustres ont expliqué cet ordre naturel des sociétés humaines ; lorsqu’ils en ont rendu palpables aux yeux de tous les immuables lois ; est-ce alors qu’il est encore permis de venir parler sérieusement de l’anarchie qui règne au sein du monde industriel ?

Non, non : le mouvement naturel de l’industrie, c’est l’ordre ; c’est l’organisation véritable, telle que les instincts de l’homme l’appellent et que le génie de l’humanité l’applique. Ce qui serait l’anarchie, ce qui serait le désordre, désordre funeste et profond, ce serait l’application de ces plans fabuleux dont on nous menace. Entre ces deux organisations, l’une naturelle, l’autre factice, il n’y a point, on le sent bien maintenant, de parallèle sérieux à établir. C’est d’un côté l’œuvre de quelques esprits abusés, calculant mal leurs forces ; de l’autre, l’œuvre de l’humanité et de Dieu. Elle serait parfaite celle-ci, autant que le progrès du temps lui permet de l’être, si on la purgeait des vices, des désordres partiels, mais très-graves, que la main indiscrète des gouvernants y a semés.

CHARLES COQUELIN.