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ESSAI
SUR
LA THÉORIE DE L’IMPÔT.




Une des causes qui ont le plus contribué à ralentir les progrès de l’économie politique en France et en Allemagne, c’est le peu d’importance qu’on y a mis à respecter les limites de cette science, telles qu’elles avaient été posées par les économistes anglais, et après eux, ou plutôt avec eux, par Jean-Baptiste Say. La division du travail n’est pas moins nécessaire dans les sciences que dans les arts, et s’applique aussi bien aux sciences sociales qu’aux sciences naturelles et mathématiques. La chimie, longtemps confondue avec la physique, n’a fait de rapides progrès que depuis que cette confusion a cessé ; l’économie politique n’atteindra point le degré de certitude et d’utilité auquel elle peut prétendre, tant qu’on ne la séparera pas nettement des sciences qui lui sont étrangères, tant qu’on ne la débarrassera pas des questions de politique et d’administration que tant d’écrivains y ont indûment mêlées.

On a étendu le domaine de l’économie politique au delà de ses véritables limites de deux manières : d’abord, en y comprenant des phénomènes qui ne lui appartiennent point et auxquels sa méthode et ses principes ne peuvent pas s’appliquer, puis, en étudiant les phénomènes économiques sous des points de vue, ou en leur appliquant des considérations qui ne sont point du ressort de l’économie politique. Cette seconde erreur, plus fréquente que la première, est surtout difficile à éviter dans l’examen des lois et des mesures administratives, et Adam Smith, lui-même, y est tombé à plusieurs reprises en exposant la théorie de l’impôt. Cependant, il est certain que les effets de l’impôt sur la richesse sociale peuvent être étudiés à part et ne sauraient être convenablement appréciés, à ce point de vue strictement économique, si l’on ne fait pas abstraction complète des considérations de droit, de politique, ou de morale qui s’y rattachent directement ou indirectement.

Pour l’économiste, l’impôt n’est qu’un prélèvement nécessaire, opéré au profit de l’État sur la richesse sociale ; que ce prélèvement soit légal ou illégal, juste ou injuste, politique ou impolitique, moral ou immoral, cela n’influe en rien sur sa définition, sur son caractère de prélèvement obligé ; dès lors, la question de savoir comment l’im-