Page:Journal des économistes, 1848, T20.djvu/385

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pôt affecte la production, l’accumulation et la distribution de la richesse demeure parfaitement indépendante de toute considération étrangère aux théories économiques.

Envisagé sous le point de vue gouvernemental, l’impôt est une mesure complexe, qui doit réunir bien des conditions diverses, et qui ne serait pas justifiée par cela seul qu’elle atteindrait son but final avec le moins de dommage possible pour la richesse publique ; mais l’économiste ne fait pas du gouvernement ni de la science administrative ; il n’a point à s’enquérir de ce qui garantit ou compromet le bonheur des sociétés et l’avenir des institutions ; il n’a point à décider de la convenance absolue d’une mesure quelconque du pouvoir législatif ou exécutif, ou du moins, lorsqu’il se préoccupe de questions aussi générales, il sort du domaine de l’économie politique, et c’est abusivement, c’est surtout au grand détriment de la science, qu’il proclame ensuite les solutions bonnes ou mauvaises qu’il a trouvées comme étant le résultat et l’application de théories économiques.

La production, dans une société, dépend de la quantité du capital productif dont cette société dispose ; l’accumulation de la richesse suppose un accroissement successif de ce capital. Pour que la production se maintienne entière, il faut que la portion du capital qu’elle consomme soit continuellement remplacée, et que la portion du produit brut nécessaire à ce remplacement ne soit pas détruite ou détournée de cet emploi. Pour que l’accumulation ait lieu, il faut qu’une partie du produit net des particuliers soit soustraite par l’épargne à la consommation improductive et employée aussitôt comme capital.

Si le prélèvement au profit de l’État égalait cette portion du produit net que les besoins et les habitudes de la société permettent à l’épargne de capitaliser, l’accumulation serait arrêtée ; s’il dépassait cette limite, la production diminuerait, la société s’appauvrirait peu à peu.

Si l’impôt, tout en enlevant à la société une partie du produit net qu’elle eût pu autrement capitaliser, avait en même temps pour effet de stimuler l’épargne et de soustraire ainsi à la consommation improductive une partie du revenu qu’il laisse aux contribuables, l’effet produit sur l’accumulation ne serait pas égal à la totalité de l’impôt ; en d’autres termes, l’impôt aurait encore pour effet de ralentir l’accumulation, mais une partie de cet effet serait neutralisée par l’incitation donnée à l’épargne.

Enfin, si l’impôt avait pour effet de modifier la distribution des richesses en altérant la proportion établie entre les salaires, les profits et la rente, non-seulement la condition économique des diverses classes d’individus qui concourent à la production de la richesse serait changée au détriment de l’une ou de plusieurs d’entre elles, mais ce changement pourrait, en affectant d’une manière sensible le penchant à l’épargne et même la possibilité de l’épargne, exercer une influence notable sur l’accumulation et la production.