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220 JOURNAL DES ECONOMISTES.

" que la route sera bien meilleure. — Les clochers sont les jalons na- « turels des routes, etc. » Certes, si le roulage, si le transport un peu rapide des voyageurs avaient existé à cette époque, le tracé des routes eût été fait d’après des principes entièrement différents, d’après ceux qui servent à les corriger aujourd’hui. L’art de construire les voitures n’était guère plus avancé : il n’y a pas cent ans que le roulage emploie des essieux en fer. Quelle charge pouvait-on mettre sur des essieux de bois destinés à supporter tous les cahots des chemins presque partout en terrain naturel? Les instru- ments du transport, la route et la voiture n’existaient donc pas, pour ainsi dire. Et pourquoi auraient-ils existé? Prenez la nomenclature des marchandises qui parcourent une route fréquentée aujourd’hui ; demandez-vous depuis combien de temps sont bâtis les fabriques, les fourneaux, les usines dont elles sont sorties, et vous reconnaîtrez bien vite qu’elles appartiennent, presque toutes, ou à des industries récentes, ou à d’anciennes industries dont la machine à vapeur ou d’autres per- fectionnements ont centuplé les produits ; vous reconnaîtrez qu’elles s’adressent à des usages, à des besoins nouveaux ; qu’elles vont cher- cher des consommateurs dans certaines classes où autrefois elles étaient complètement inconnues. Quant aux voyageurs, qui n’a entendu raconter par des vieillards que, dans leur jeunesse, un voyage d’une cinquantaine de lieues était considéré comme un événement; que le père de famille mettait ordre à ses affaires avant de partir? qui n’a entendu parler des incidents plus ou moins bizarres de ces voyages qui ne durent que quelques heures aujourd’hui, et qui duraient alors sept à huit jours? S’il en était besoin, et si nous ne craignions de sortir du caractère sérieux que nous voulons donner à ce mémoire, quelques citations empruntées soit à la scène, soit à la littérature du siècle dernier, viendraient prouver qu’alors il n’y avait pas plus de voyageurs que de marchan- dises transportés. La création de cinq à six mille lieues de routes sous le règne de Louis XV fut un progrès immense, qui rendit possible ce qui, auparavant, ne l’é- tait pas ; mais il fallut bien du temps pour que cette locomotion descen- dît dans les habitudes du peuple, et ce n’est guère que la génération actuelle qui a vu s’accomplir ce phénomène. C’est ce qu’on peut prouver par des chiffres. En 1811, le dixième du produit des places était, pour les 136 départements de l’Empire, de 2,168,076 francs, somme qu’on peut réduire à 1,500,000 fr. pour les 86 départements de la France actuelle. Or, ce dixième est évalué au budget de 1844, basé sur les recettes de 1842, 9,466,600 fr. ; il n’était, en 1833, que de 5,400,000 fr. Ce n’est pas tout : le prix du transport des voyageurs ayant diminué de 1810 à 1832 dans le rapport de 0,75 à 0,45 {De la Police du roulage Stéphane Flachut, page 24), il s’ensuit que les 1,500,000 fr.