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222 JOURNAL DES ECONOMISTES. le monde de voyager, etc. , etc. (Voir tous les exposés des motifs des lois sur les chemins de fer.) Le voilà convaincu que les 20 fr. qu’il a reçus sont de l’argent bien placé, et que les gouvernements ne sau- raient mieux employer les impôts qu’à faire rouler les contribuables dans tous les sens. Il veut donc partir le lendemain pour B. ; ici, ce n’est plus comme pour venir de A. On le met dans une voiture dont la partie supérieure est livrée aux marchandises qui menacent de l’écraser, puis cinq chevaux l’entraînent, lui vingtième, avec une vitesse très-modérée sur des chaussées raboteuses, sur des pentes escarpées, à travers des rues étroites, et, lorsqu’il est arrivé vingt- quatre heures après, on lui demande aussi cher qu’on lui avait demandé la veille pour un voyage plus long et qu’il a fait beaucoup plus vite; il trouve alors qu’on lui demande un prix exorbitant, non-seulement par rapport au service rendu, mais par rapport aux dépenses qu’on a faites. L’administration des messageries lui répond alors : Mais, je n’ai pas seulement à me rembourser de mes frais et des intérêts des capitaux employés dans mon matériel, j’ai encore de très- rudes impôts à payer. Sur les 10 centimes par kilomètre ou les 20 fr. que vous m’avez donnés, j’ai d’abord à donner à l’Etat 2 fr. pour le dixième du produit de votre place; puis encore 2 fr. aux maîtres de poste, dont je n’ai pas pris les relais ; puis 1 fr. au moins pour droits de licence, timbre de feuilles, estampille, visite d’octrois, péage de ponts, de bacs et frais de réglementation de la police du roulage; en tout 5 fr. Dans les 20 fr. que vous m’avez donnés, il y a donc au moins 5 fr. d’impôts ; qu’on les supprime aujourd’hui, et demain je vous conduis pour 15 fr. , à 5 fr. meilleur marché que ne ferait le chemin de fer. L’étranger demande alors comment il se fait que l’Etat subventionne les voyageurs qui vont de Paris à A. , et impose ceux qui vont de Paris à B. ? On lui a démontré que l’Etat avait avantage à exciter les voya- geurs à circuler entre Paris et A. , il faut donc qu’il y ait avantage à intercepter ou arrêter les communications entre Paris et B. On lui répond que ces deux villes sont également commerçantes et que l’Etat n’a réellement pas de motifs pour préférer l’une à l’autre. Un peu revenu de son admiration, il prend la poste le lendemain. Mais ce mode de transport, qui revient à 0 fr. 60 cent, par kilomètre, lui paraît exorbitamment cher, comparé à tous les autres. Le maître de poste lui explique qu’il est tenu d’avoir 20 chevaux à son écurie pour attendre les deux ou trois voyageurs qui passent moyennement par jour d’une manière fort irrégulière, de sorte que tantôt il a trop de chevaux, tantôt pas assez. Bien loin que le prix de 0,20 c. par cheval soit trop cher, dit le maître de poste, je ne pourrais faire ce service à un prix double si je ne percevais un impôt sur deux ou trois cents voyageurs de diligences qui subventionnent ainsi les deux ou trois voyageurs en poste. Alors l’étranger ne comprend plus rien à ce qu’on lui a dit la veille sur les avantages de la locomotion publique, sur les