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224 JOURNAL DES ÉCONOMISTES. voyons ce qui s’est fait depuis vingt ans. Car c’est à partir de cette époque qu’on est entré dans cette mauvaise voie, où on a fait tant de progrès depuis. Cela nous donnera d’ailleurs l’occasion de développer davantage les principes que nous venons d’exposer. Lorsque la paix permit à la France de penser à l’amélioration de ses communications intérieures, les routes étaient dans un délabrement complet. Un illustre ingénieur écrivait que la dépense de leur restauration serait telle, qu’on devait craindre qu’elle ne s’effectuât jamais, et il conseillait de créer un vaste réseau de communications navigables qui, en rendant les transports plus économiques, permettrait de percevoir des péages dont les produits couvriraient les dépenses d’entretien, et rembourseraient en totalité ou en partie celles de premier établissement. On conçut alors l’idée de faire circuler sur toute la surface de la France des canaux qui en réuniraient les parties les plus éloignées, qui joindraient tous les fleuves et toutes les rivières qui la parcourent, et conduiraient de tous les points du royaume aux deux mers. (Rapport au roi. M. Siméon, 1820.) Le résultat de cette entreprise devait être d’élever le royaume au plus haut point de prospérité où il puisse atteindre (ibid.). Ce qui entraînait alors l’opinion publique c’était, comme aujourd’hui, l’exemple de l’Angleterre. Déjà, à cette époque, les publicistes et de prétendus économistes avaient inventé un moyen de comparaison commode entre les deux nations rivales, qu’on a depuis appliqué aux chemins de fer avec un égal succès. Après avoir inscrit la France et l’Angleterre en tête de deux colonnes parallèles, on distribuait dans chacune d’elles les longueurs de leurs différents canaux. Cette liste épuisée, arrivait le total, et enfin un gros soupir sur l’infériorité de cette pauvre France, dont le chiffre se trouvait écrasé par celui de l’Angleterre. Quelques-uns, c’étaient les habiles, divisaient encore ces malheureux chiffres par la quantité d’hectares contenus dans les deux royaumes, ce qui faisait encore descendre la France de quelques degrés au-dessous de sa rivale. Ces deux chiffres répondaient à tout. Si on se plaignait de la cherté du bois, du fer, de la fonte, des céréales, des combustibles et des comestibles ; si on se plaignait du bas prix des salaires, si les routes étaient mauvaises, etc., on disait : Que voulez-vous? nous n’avons pas de canaux ; faisons des canaux… On a donc fait des canaux ; ils sont terminés pour la plupart aujourd’hui, et sur la plupart on se plaint qu’il ne s’y fasse plus de transport. On s’en prend aux tarifs trop élevés. On propose de réduire et même de supprimer les péages, mesure qui n’aura certainement pas grande influence, à part son injustice, que nous démontrerons plus tard. Les canaux n’ont donc pas réalisé les espérances qu’on avait conçues. C’est qu’il y a un vice radical dans la manière dont on a considéré les voies de transport. On a dit : Voilà une nation riche qui a des canaux, donc elle est riche parce qu’elle a des canaux. Donc en faisant des canaux, nous deviendrons aussi riches qu’elle. Or, c’est l’in