Page:Journal des économistes, 1849, T24.djvu/120

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nomistes m’ont repoussé avec des rires méphistophéliques, s’écrie-t-il, et les grands journaux ont organisé contre moi la conspiration du silence. Les uns et les autres se sont entendus pour entraver la marche du monautopole.

Heureusement, M. Jobard a été bien dédommagé des injustices de cette race de Caïn par les néophytes du monautopole. Ces jeunes monautopoleurs, que nous soupçonnons un peu d’être des socialistes sans ouvrage, ont exalté jusqu’aux nues la gloire du Maître. Un d’entre eux n’a pas hésité de le qualifier de géant et de le comparer à Franklin et à Fulton ; un autre, plus enthousiaste encore, s’est mis à réciter le Credo du monautopole. La piece commence ainsi :

« Je crois en toi, Jobard, tout-puissant inventeur du monautopole, etc. »

Le reste à l’avenant. Enfin, la prose devenant insuffisante, un poëte a célébré, dans le langage des dieux, les mérites du monautopole et la gloire de l’inventeur. Le poëte oppose d’abord le champion de la propriété intellectuelle et de la marque obligatoire à l’empereur de Russie, qu’il traite de « jeune Agamemnon. » Ce qui signifie, sans doute, que M. Jobard ressemble au valeureux Hector ou au beau Pâris. Vient ensuite la description de l’ovation décernée au héros du monautopole. Le poëte ne néglige aucun detail ; la foule était compacte, dit-il :

Et le sage Taylor présidait les assises.

Après avoir savouré à longs traits toute cette ambroisie, le demi-dieu du monautopole a lu un article un peu moisi contre le libre échange, et un dialogue fort spirituel sur la contrefaçon des marques. C’était leste et agréablement tourné. Par malheur, l’encensoir des néophytes avait répandu dans la salle une odeur si pénétrante de pastilles du sérail que nous avons été obligé de quitter la place.

Voilà pourtant de quelle façon un homme d’esprit peut réussir à gâter une idée juste. O mon digne et excellent monsieur Jobard ! laissez donc, de grâce, expirer le brevet du monautopole ; contentez-vous de la propriété intellectuelle, et surtout méfiez-vous des néophytes.

La présence de M. Jobard à Paris a ravivé la Société des inventeurs, très-nombreux parmi les exposants. Un grand nombre de ceux-ci signent en ce moment une pétition pour demander la reconnaissance absolue du droit de propriété. Nous nous associons à leurs vœux.

— L’École d’administration est définitivement supprimée par la loi du 9 août.

On sait l’histoire de cette malheureuse idée de M. Carnot et de M. Jean Reynaud. Grâce aux paroles de sens prononcées à la tribune par MM. Barthélemy Saint-Hilaire, Faucher et Wolowski, l’Assemblée constituante, à l’occasion du budget de 1849, a rétabli la chaire d’économie politique, brutalement enlevée à M. Michel Chevalier ; réduit à néant les chaires bizarres que M. Carnot avait confiées à quelques membres du gouvernement provisoire ; et complétement séparé du Collège de France l’enseignement de l’École d’administration, imaginé parle ministre socialiste. L’Assemblée législative a complété l’œuvre de son aînée ; elle a franchement supprimé cette École spéciale, conçue dans des vues d’une centralisation communiste, et qui, loin de venir en aide à l’administration, aurait été un constant embarras, et aurait augmenté encore le nombre des jeunes gens courant après les emplois publics : comme si la fièvre