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DE
LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE


POSITION DE LA QUESTION ÉCONOMIQUE

De la propriété intellectuelle, études par MM. Frédéric Passy, Victor Modeste et P. Paillottet, avec une préface par M. Jules Simon. 1 volume in-18. Paris, E. Dentu, libraire-éditeur, 1859.


Malheur aux questions qui ne sont pas, comme les questions purement scientifiques, réservées aux investigations d’un petit nombre de savants compétents qui les discutent en termes techniques ! Malheur aux questions qui, soit parce qu’elles touchent directement à des intérêts particuliers, soit parce qu’elles tiennent à des principes de morale générale, tombent immédiatement dans le domaine de la discussion publique. Elles sont bientôt soustraites à la juridiction de la raison pour être livrées au caprice du sentiment individuel, et pour longtemps ravies à la science, elles demeurent abandonnées à tous les hasards de l’empirisme.

Tous les hommes qui sont au fait de l’histoire des sciences, et tous les hommes qui, de nos jours, dévoués au progrès scientifique, se sont avancées jusqu’à la limite des vérités acquises pour explorer la région des vérités controversées me comprendront. Ils savent que jamais, une question nouvelle se produisant, l’objet n’en est défini, l’étendue circonscrite, les termes fixés du premier coup. Ils savent qu’avant d’être définitivement résolu, avant même d’être péniblement élaboré, tout problème, à l’origine, se pose confusément. Supposez qu’alors la foule s’en empare, qu’arrivera-t-il ?

Chacun, sous l’influence de sa nature et de ses croyances, ou simplement de ses habitudes et de ses préjugés, ou même de son caprice, tranche en son sens ce problème peu précis. D’une part on affirme je ne sais trop quoi ; d’autre part on nie toute sorte de choses qui ne furent jamais affirmés. La science s’arrête ; les mêmes arguments sont indéfiniment ressassés ; les faits mutilés semblent, suivant l’expression de Jouffroy, de lâches témoins prêts à déposer indifféremment pour et contre la vérité. La discussion se poursuit ; mais tous les raisonnements ultérieurs ne tendent qu’à soutenir le sentiment préconçu. Cela dure ainsi jusqu’au jour où quelques savants se dévouent à pénétrer dans le chaos des opi-