Page:Journal des économistes, 1859, T24.djvu/406

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une maison, un outil, une machine, un meuble. Certes, tout cela se caractérise nettement du premier coup d’œil, par sentiment du moins et par opposition[1]. »

Il n’y a pas là, ce me semble, grand chose de plus que dans la définition donnée par M. F. Passy de la richesse intellectuelle. Mais M. V. Modeste, s’avançant un peu plus loin, s’efforce de distinguer davantage l’œuvre intellectuelle de l’œuvre matérielle. « Le vrai caractère, dit-il, qui ne se distingue plus par le degré, mais parce qu’il est ou n’est pas, c’est celui-ci : que l’œuvre intellectuelle est faite pour l’esprit, l’œuvre matérielle pour le corps[2]. » — « C’est grâce à ce criterium en effet que se distinguent sûrement, nettement, infailliblement, les œuvres intellectuelles des matérielles[3]. »

Eh bien ! n’en déplaise à M. V. Modeste, je ne suis pas encore convaincu par cette raison et cette règle suprêmes de la consommation ; et je demande qu’il me permette de chercher moi-même une définition de la richesse intellectuelle plus rigoureuse et plus satisfaisante, pour tout dire en un mot, plus économique.

Je ne connais que trois espèces de richesse sociale. Ce sont : 1o la terre ; 2o les facultés personnelles des hommes, qui constituent, terre et facultés, la richesse sociale naturelle ; et 3o la richesse artificielle, fruit du travail et de l’épargne. J’emprunte, comme le peut voir M. V. Modeste, la raison et la règle de ma classification à la production. Si la richesse intellectuelle est de la richesse sociale, et elle en est parce qu’elle est utile et rare, il n’y a lieu à la chercher qu’au nombre de ces trois espèces ; et pour ne pas perdre de temps inutilement, je dirai tout de suite qu’il me semble évident qu’elle ne se trouve que parmi la richesse artificielle.

Quelle que nous la d£finissions d’ailleurs en précisant davantage, la richesse intellectuelle est de la richesse artificielle fruit du travail de nos facultés personnelles. Allons maintenant un peu plus loin. Parmi les hommes qui font agir leurs facultés, les uns exercent plutôt leurs facultés intellectuelles, les autres exercent plutôt leurs facultés physiques ; ou du moins, si l’on veut soutenir que l’esprit et le corps ne travaillent jamais isolément, je dirai que certains travailleurs mettent plutôt leurs bras au service de leur intelligence, les autres plutôt leur intelligence au service de leurs bras. Cela est incontestable, et cette distinction empruntée à la production peut s’établir aussi rigoureusement que celle empruntée par M. V. Modeste à la consommation. On conçoit à merveille qu’à la rigueur le travail des derniers pût se faire au moyen de machines convenablement perfectionnées et dépourvues d’intelligence ; cette hypothèse

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