Aller au contenu

Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous ne sommes pas des novateurs ?

— En aucune façon, et, je te le répète, c’est ce qu’il y a de plus réconfortant.

Et comme il n’aime guère ce genre de conversations, Renoir est sorti avec cette indifférence apparente qui le définit.

Je suis resté seul, à réfléchir sur ce propos. Je n’ai guère l’habitude de me poser de semblables questions : Où va le théâtre d’aujourd’hui ?

Dans une interview obligée, on s’en tire par quelques moulinets de paroles, des propos vagues ou des termes généraux, qui suffisent à noircir le papier, satisfont l’interviewer et comblent le loisir du lecteur. Mais c’est une tout autre affaire si l’on veut y réfléchir sérieusement.

Dès qu’il est appelé à se prononcer sur son métier, le professionnel pense selon la conception particulière qu’il en a et son jugement ne s’exerce qu’en comparant sa technique personnelle à celle de ses devanciers. Pour un homme de théâtre, le théâtre de l’avenir est celui qu’il fait ou qu’il ambitionne de faire, et il donne inconsciemment comme règles de l’art ses propres goûts ou ses propres méthodes de travail.

Voilà ce qu’il est peut-être le plus important de s’avouer à soi-même avant de se prononcer, et ce qu’il est le plus nécessaire d’avouer à la clairvoyance de ceux qui vous interrogent.

On ne meurt que d’indifférence ou de ce qu’elle entraîne après elle cette stagnation qui précède les