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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/181

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tracter le premier la fièvre, pour en propager ensuite l’épidémie glorieuse et rémunératrice.

Il n’y a pas d’habitacle au monde, plus sûr, plus permanent, plus confortable pour l’incertitude, que l’esprit d’un directeur. Il n’y a pas non plus de dualité plus parfaite et plus évidente que celle du directeur de théâtre : littéraire par la publicité, publiciste en littérature, banquier ou usurier, prodigue ou avare selon la nécessité, amateur d’art, mécène de ses collaborateurs, il est aussi leur comptable et leur caissier. Ce pourvoyeur des plaisirs publics, ce dictateur de la dramaturgie est, en outre, tributaire d’une foule de puissances rigoureuses : obligé de l’Union des Artistes, obligataire de la Société des Auteurs, asservi à l’Assistance Publique, dépendant de toutes les administrations préfectorales, édilitaires, urbaines et suburbaines, des sapeurs-pompiers, de la police, sans compter leurs receveurs, percepteurs, contrôleurs, inspecteurs et agents généraux ; il n’est que l’Église dont il ne relève plus.

Sollicité de toutes parts, en proie à toutes les influences, intrigues et compromissions, accablé de devoirs, d’obligations et de contraintes qui ne s’équilibrent par aucun droit, rien ne peut lui procurer un véritable confort moral ou lui indiquer le sens de sa dignité professionnelle.

Le Métier de Directeur, je vais vous le dire en confidence, n’est pas un métier : il n’y a que des directeurs. La constatation de leur existence, l’étude historique de leur formation, l’examen de leur activité ne