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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/182

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pourraient guère se justifier si je ne prenais ici l’occasion de parler du théâtre à propos de l’homme chargé du spectacle. Peut-être aurait-il été plus curieux, sinon plus instructif, d’étudier l’art dramatique du point de vue de l’acteur, du machiniste, du régisseur, voire de l’ouvreuse, du caissier ou du perruquier. Un métier est une fonction sociale définie dans son activité, son étude ou son apprentissage, sa hiérarchie corporative et surtout dans sa vocation. Le métier de directeur est, aujourd’hui, indéfinissable socialement. Historiquement, il a perdu son sens pour créer un personnage équivoque dont les raisons d’existence sont extraprofessionnelles ; son apprentissage ne pourrait en aucune façon susciter une école professionnelle, et sa hiérarchie ne pourrait offrir, de nos jours, qu’un déploiement d’activités assez étranges qui, partant du chasseur qui ouvre les portières ou de l’ouvreuse perfectionnée dans le claquement des portes de loges et la location des lorgnettes, irait jusqu’au cabinet de l’administrateur en passant par le bureau de location ou celui du caissier, mais négligerait délibérément toutes les occupations proprement scéniques.

Quant à la vocation de directeur, elle est indécelable à l’œil du plus habile éducateur. On peut prévoir l’orateur en herbe ou le comédien en puissance, mais on ne saurait, des jeux d’un enfant qui collectionne les coupons-primes, les contremarques ou les tickets, inférer qu’il dirigera un jour un théâtre plutôt qu’il n’affectionnera la vie ambulante de receveur des Transports