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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/201

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— Et lequel ? demande l’auteur.

Alors, après un moment de réflexion, le grand acteur-directeur répond simplement :

— Dieu.

L’auteur-directeur, dans l’esprit de la définition précédente, est celui qui s’écrit une pièce, qui se la lit, se la reçoit, se la monte et se la fait jouer. Il n’est pas besoin non plus de méditer longuement cette proposition pour en déduire que l’auteur dramatique chargé de toutes les responsabilités de son inspiration, et portant le poids de toutes les nécessités théâtrales, va courir le grand danger de convertir le commerce de son esprit en commerce tout court et d’être lui-même un négociant, enfin de ne se servir de son théâtre que pour des fins de plus en plus industrieuses.

Et voici également le portrait de ce genre de directeur-auteur-entrepreneur. Nous l’appellerons M. Y…

De même qu’il a donné tout le divertissement qu’on pouvait espérer de lui, M. Y… a fait tout le mal qu’il pouvait faire. Il écrira cent pièces encore, étant jeune et tenace au labeur. Les unes auront beaucoup de succès, les autres en auront moins, selon le hasard de la donnée heureuse ou non, d’un rôle bien ou mal accommodé au talent d’un acteur, selon la lunaison propice ou funeste de la mode parisienne ; mais aucune ne sera