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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/34

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avaient abrité Debureau, et aux ombres tragiques et comiques de Thalie et de Melpomène, nous avons pensé nécessaire de représenter d’abord l’Amphitryon de Giraudoux.

Voici un fait bien connu des gens de théâtre : pourquoi la présence dans une salle, de tel ou tel spectateur, crée-t-elle une irréductible résistance au jeu de la pièce ?

— Qu’est-ce qu’ils ont donc, ce soir ? Et tout d’un coup, l’un d’entre nous dit : « M. Un Tel est dans la salle. » Tout s’explique, c’est lui qui empêche les effets de se faire.

Ce genre de spectateurs dont je pourrais vous citer des noms, est non-conducteur et empêche le phénomène de fusion ou de cristallisation, comme dans le creuset la mauvaise terre d’un minerai, ou dans le cristallisoir du chimiste l’impureté d’une solution.

Pourquoi, à la quinzième réplique, exactement, de Knock, au moment où, désignant avec inquiétude sa vieille guimbarde automobile, le chauffeur de Bouquet-Parpalaid s’approche pour lui demander : « Je mets en marche ? » et que, faussement assuré, Bouquet-Parpalaid répond de sa voix suave : « Oui, oui, commencez à mettre en marche, mon ami », pourquoi, si le public rit, à cette quinzième réplique, mon cher Bouquet est-il rassuré et me cligne-t-il de l’œil, à la dérobée : c’est qu’il est sûr que la salle sera bonne, ce soir-là. Et pourquoi, si le public ne rit pas, à cette réplique, ne pouvons-nous, d’aucune manière, le dérider ?

N’allez pas dire que cette épreuve ne soit pas rigou-