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VISIONS DE L’INDE

oublient pas plus que les arbres sacrés, les « pipel tree » qu’ils arrosent chaque soir. Peu à peu je m’habitue à ce spectacle qui n’a son pareil nulle part. La pure lune s’est levée, tandis que le soleil éclaire encore. Le ciel est pur comme une caresse de vierge. Les corbeaux et les colombes tourbillonnent autour du dôme d’or. Je ne peux m’arracher à ce soir hindou qui mêle la superstition, l’immondice et la sublime douceur du printemps. Là-bas, sur une terrasse, un « rishi » lit les « Puranas ». Un tremblement de terre ne le troublerait pas de sa méditation.


Comme l’Europe est lointaine, l’Europe trépidente d’activité ! Ici la rêverie déborde ; l’ataraxie est reine, l’imagination enivrée chevauche au-dessus de la boue les hippogriffes de l’au-delà. Mon guide m’implore. Il faut partir.

Nous voilà de nouveau dans les venelles infectes et gluantes. « Le temple des Vaches, » me dit l’Hindou avec un respect dans la voix. J’avance ma tête dans l’orifice de l’étable sainte. C’est le plus large des temples : une splendeur de pierres et de marbre où passent et repassent les génisses vénérées. Tout un peuple les adore. Elles n’y prennent garde, plongées dans leur divine et obscure inconscience. Et elles accomplissent avec sérénité leurs