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VISIONS DE L’INDE

ghilé ou le chasse-mouches, le repasseur, le bottier, le tailleur… Maintenant le mouchoir devient voluptueux : des femmes à leur toilette s’attardent avec des yeux de rêve immenses, une poitrine gonflée de félicité et des hanches qui savent tous les secrets du « kama-sutra », le livre où les brahmanes ont, depuis l’origine du monde, fixé les raffinements de l’Amour ; d’autres, étreintes de brocarts et de pierreries, sur des trônes, caressent avec une rose une perruche verte dont la tête semble un gros rubis. Enfin, le mouchoir se bestialise… discrètement, la main simiesque pose sur mes genoux des duos et des trios obscènes où ne se déguise aucune des ruses ou des brusqueries de la plus vile passion. Et c’est gauche et comique, avec je ne sais quel idéalisme demeuré en le regard étonné des femelles obéissantes, dans le geste hiératique encore des mâles industrieux…

Rozian est allé sur la pointe des pieds tirer le rideau, puis il s’est agenouillé près de moi comme pour apaiser un courroux possible et aussi pour mieux voir… J’écarte ces essais libertins d’un peuple, au fond, chaste, qui, par vénalité, a voulu chatouiller le porc occidental ; je marchande des scènes de vie quotidienne, des « ranis », des reines aux cheveux sages, ouverts au-dessus du front, au visage doux et pâle, dont les oreilles sont