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VISIONS DE L’INDE

passage, se lèvent, me saluent ou me présentent les armes par respect pour mon teint blanc, le teint du maître. Le cocher lance ses bêtes à fond de train ; et quand le « sais » comprend qu’il n’est pas écouté, qu’un accident aura lieu (la voiture ne s’arrête jamais), il bondit, devance les chevaux en des enjambées prodigieuses et arrive juste à point pour enlever un petit enfant noir nu comme un ver de terre sous les pieds des chevaux ou quelque vieille ahurie, chue tout contre les roues bruissantes.

Autour de nous, c’est encore, c’est toujours cette misère de l’Inde si résignée, si poignante. Les femmes se voilent par déférence sur les larges fontaines, où accèdent des escaliers ; mais je comprends qu’à travers la transparence de la mousseline elles m’épient, tout en tirant avec nonchaloir sur la poulie énorme. D’autres ramassent soigneusement la bouse des vaches ou l’ordure sèche des chevaux et des buffles, non pas pour un rite excentrique et sacré comme au temple que je visitai, mais par indigence, pour en allumer le triste foyer, creusé dans la terre sèche.

La maison de ville du maharajah est toute à l’européenne. Malgré notre hâte, je suis en retard. Le maharajah est sorti et va rentrer. Je m’assieds, tandis qu’autour de moi, le chapeau sur la tête, la main