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VISIONS DE L’INDE

du rajah m’emmène dans le dernier territoire qui lui reste, et où nul Anglais ne s’égare. J’ai laissé l’immense cour intérieure du château où se rangent les hommes d’armes, portant des boucliers et des marteaux de fer. Je suis dans un décor de féerie. Au milieu d’une solitude qui me fait croire que je rêve.

Je m’assieds dans un palaiseau exquis, tout de marbre rose, pareil à quelque Trianon d’Asie. Il est si mignon, qu’il n’a pu être dressé que par l’amour, qu’il ne peut servir encore qu’à l’amour. Les colonnettes torses sont à peine plus hautes qu’un homme, les treillages de marbre semblent des résilles de cheveux, les balcons sont juste assez larges pour un couple. Une odeur exquise vient des jardins, une odeur que j’ai respirée là seulement, qui me fait me trouver mal de plaisir. Plus loin, d’autres kiosques aux piliers d’argent, semblent construits avec du clair de lune. Le soleil las vieillit dans l’étang, qui reflète le palaiseau rose ; des poissons vont et viennent, pareils à des pierreries, qu’aurait laissé choir une amoureuse avide d’être plus nue ; des feuilles d’arbustes, des pétales où naviguent des insectes troublent seuls la pureté glauque du lac.

Allons, le soir vient, les enchantements sont clos. Je contourne dans ma fuite un temple de Shiva