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VISIONS DE L’INDE

comme au coup de baguette d’un génie, des parthénons amplifiés par l’ambition britannique, des abbayes de Westminster soufflées par le lyrisme hindou, des forts tout-puissants. Et l’on s’explique qu’officiellement, Calcutta, l’orgueilleuse, s’intitule : « la Ville des Palais ».

— « Nous n’irons pas au « Great-Eastern », ni au « Grand-Hôtel », dit mon ami avec la décision des hommes qui ont coutume d’agir ; il faut fuir l’Europe que nous retrouverions là. Au débarquement le consul nous a indiqué un boarding-house dans une rue populeuse et centrale, à Durhumtollah. Veux-tu y aller ? ». — Je veux ce qu’il veut.

À Durhumtollah, le Londres transplanté cesse. L’Inde commence. J’ai parcouru tous les bazars du Levant, ceux du Caire, de Constantinople, de Damas. Des surprises m’attendent encore. D’abord une odeur spéciale à l’Inde, non pas cette épice excitante des boutiques d’Asie-Mineure ou d’Afrique, mais un obstiné, subtil, lancinant parfum qui monte des pipes en noix de coco que ce peuple simiesque et découragé fume éperdument. Près d’infectes lampes à huile, dont la mèche enflammée vacille sans éclairer, les tailleurs, les changeurs, les vendeurs de sucreries ou de légumes, les cuisiniers en plein vent, sont accroupis à peu près nus, les yeux étincelants de cette lueur sans rayon, qui séjourne