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VISIONS DE L’INDE

— Comment cela ?

— Comment cela ? Mais par les accidents qui se succèdent sur le « Tal ». Les Anglais y canotent éperdument, et il n’est pas rare dans la saison qu’une barque soit engloutie. Si, pendant une année, le lac n’a pas eu sa proie, l’année suivante, il met les bouchées doubles…

Nous approchions de l’eau délicieuse, fraîche, claire, troublante comme un miroir où trop de fantômes se seraient regardés. Çà et là demeurait un peu de brume encore, comme une voilette que la nuit, en courtisane, aurait oubliée. Cette onde redoutable affectait l’innocence de l’œil bleu et vert d’une vierge, et sa ceinture de saules avait une délicatesse de cils. Œil grand ouvert, œil loyal, on eût dit et où dormaient pourtant des projets sauvages…

À cause de Bharamb, je pus pénétrer dans l’enceinte sacrée, réservée au culte des déesses sœurs. Il baisa la porte avant de l’ouvrir. Des prêtres dormaient sur le sable : accroupis dans une paresse où tournoyaient des rêves d’absolu et des convoitises d’argent, de jeunes mendiants voués à Shiva nous regardaient, couverts de cendres, beaux comme des statues de musée. Tout à coup une femme se leva, horrible, sa tunique fendue jusqu’à la ceinture, exhibant des seins plissés et lourds qui, dans ses gesticulations, claquèrent sur sa poitrine, avec