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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/171

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VISIONS DE L’INDE

« babou ». Il tient les comptes de l’ingénieur. Il reste avec moi retors et fermé, jusqu’au moment où je lui chante en sourdine, avec l’accent, un verset sanscrit des Upanischads[1] qui glorifie le dieu Shiva. Alors ses joues ridées se détendent, son œil éteint de caissier flambe, une jeunesse le gagne, l’âme religieuse de son pays le régénère comme un sang neuf.

En marchant, il me raconte la légende des deux déesses dont nous allons visiter les petites chapelles. Ce sont deux vierges mystérieuses, Naina-Devi et Nanda-Devi qui règnent sur la vallée. On leur offrait encore, il y a cinquante ans à peine, des sacrifices humains.

— Pour le moment, me dit Bharamb, elles doivent se contenter du sang des chevreaux, qui coule sous la hache des prêtres. Voilà les seuls hommages officiels que les Anglais permettent de leur offrir. Mais nous savons, nous autres initiés, qu’elles ne se résignent pas à cette famine d’offrandes. Il faut quand même qu’elles aient leur compte, et le lac leur accorde amplement ce qu’on voudrait leur refuser.

Je craignais de comprendre… pourtant j’insistai :

  1. Les Upanischads sont les commentaires mystiques des Védas. Ces œuvres collectives, d’un haut lyrisme philosophique, ont inspiré déjà en Occident maints systèmes modernes, depuis leur récente traduction.