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VISIONS DE L’INDE

It is quite an adventure (c’est tout à fait une aventure).

Il a dit cela sur un ton jovial, un éclair de satisfaction dans ses prunelles grises. Je suis meurtri, je prends son bras, et, à pied, nous allons plusieurs heures dans des sentiers barbares, moi soufflant, lui riant. Parfois, dans une éclaircie, nous apercevons, assis sur d’énormes pierres, des oiseaux de proie qui ne daignent même pas se déranger pour nous ; leurs ailes brunes ou jaune sale pendent comme de vieux drapeaux en loques ; quelques-uns, des vautours chauves, leur cou pelé engoncé dans leur manteau de plumes, semblent un conciliabule de mauvais prêtres.

Un aigle plane dans le soleil, telle une île noire de l’espace. Le versant se dénude, nous arrivons au sommet de « China ». Vraiment mon Anglais n’a pas eu tort de me faire violence. J’assiste sur ce roc dépouillé au plus beau spectacle que sans doute je regarderai jamais.

Les montagnes, les montagnes à l’infini, les montagnes qui grandissent jusqu’à disparaître dans le ciel. Des vagues colossales et immobiles ; et, dans l’intervalle qui les sépare, toute la poésie des vies heureuses, le frisson des verdures opaques, les jardins enchantés, multicolores comme les tapis de Perse. Les routes et les fleuves ne sont plus