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VISIONS DE L’INDE

part du lion dans le « bakchich ». Les femmes soulèvent leurs robes et marchent avec précaution dans cette boue gluante. Un prêtre cependant nous est resté. C’est un pontife de marque. Quelques mots sanscrits que j’ai prononcés ont opéré sur lui, comme le charme du jongleur sur le serpent. Il nous est désormais acquis. Moi et ma troupe, nous verrons tout. Je l’examine. Il est beau avec d’amples sourcils, une lèvre distinguée qui exhale une haleine infâme. Sa tête est rasée, avec une mèche très longue qui pend au sommet du crâne. Il grelotte de fièvre en me répondant dans un anglais toujours à côté de mes questions. Il m’admire de connaître si bien ses dieux, et il s’exclame à maintes reprises, avec cette monomanie du refrain qu’ils ont tous : « Jamais je n’ai vu un voyageur comme vous ! »

Tout autour, les marchands — les éternels marchands du temple ! — requièrent mes compagnons. On nous enveloppe de guirlandes de fleurs jaunes, le vermillon tache notre front. Il le faut bien pour que nous pénétrions dans l’abominable enceinte, pour que nous passions, nous chrétiens, pour des pèlerins de Kali. C’est un brouhaha indescriptible dans ces venelles infâmes, où il y a des reliques, de la mangeaille, des plantes enivrantes. Les supplications pour nous arracher

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