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VISIOINS DE L’INDE

Les Rajahs et les Nababs en fournirent la moitié. Le reste sortit du trésor secret de l’empereur. On paya si mal les ouvriers que, malgré la quotidienne allouance de blé, ils périrent en foule… Ce rêve de marbre est un témoignage de deuil et de désespoir.

Je ruminais ma rancune quand la voix du Taj reprit :

— Comme les Européens d’aujourd’hui, tu as la superstition de la vie humaine et du bonheur matériel. Tu crois que vivre vaut mieux que faire une grande chose. Il n’en fut pas de même autrefois. L’important, c’est de laisser derrière soi un acte magnifique. Ces humbles ouvriers ne sont pas tant à plaindre que tu crois. Ils ont leur compte ouvert sur le livre de justice qui sera réglé à la fin des temps. La beauté est aussi nécessaire à l’univers que le pain et l’eau.

— Mais, répondais-je, ces pauvres natifs ne sauraient apprécier les mérites du Taj, tandis que des canaux d’irrigation eussent contribué positivement à leur bonheur.

— Qu’en sais-tu ? Tu les a vus s’asseoir sur la plate-forme qui est au milieu des jardins et ils regardent longuement cette maison blanche que construisirent leurs pères. Cette race est éminemment amoureuse de beauté. Les femmes sculptent leurs enfants selon un idéal qui surpasse le vôtre.