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VISIONS DE L’INDE

ture. Le paysage est un enchantement ; il ne faudrait pas seulement être un peintre pour rendre ces horizons, mais encore un magicien. La brume qui enveloppe le fort a une poésie de mousseline. Agra gît encore dans les voiles gracieux du matin. Un large bateau plat quitte le sable de la rive ; il emporte une native dans son sari rouge, avec sur la tête une buire de cuivre qui luit au soleil ; des gués sont délinéés par l’eau, comme des îles ; sur l’autre côté, le blé moissonné est distribué en gerbes dans un jardin. Le long de la terrasse se promènent des mullhas, occupés à enseigner le Coran à leurs jeunes disciples…

Oserai-je ce péché ? Cette nature est encore plus belle que ce marbre. Quand je regarde le Taj je suis gagné par l’insensibilité du marbre, par la sensation de lointain dans le temps. Voilà une autre race que la mienne ; elle a laissé son vestige, mais c’est un « vestige » seulement, quoiqu’il ait gardé la grâce et la grandeur.

Cette race, si forte, est restée incomplète. Si hardie, elle eut peur cependant d’inscrire le visage de l’homme sur ses temples et sur ses palais, parce qu’un prophète le lui défendit. Elle réagit contre l’anthropomorphisme, le zoomorphisme en délire des Hindous autochtones, qui du moins troublent, révoltent, inquiètent, passionnent ; elle est marquée