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VISIONS DE L’INDE

longue d’autant où doivent se tenir le cocher et les voyageurs. Je dis bien les voyageurs, car les natifs se pressent parfois à quatre dans cet étroit véhicule. Je ne sais trop comment ils s’y prennent. Le cocher, je crois bien, se juche sur la queue du cheval, ses heureux clients s’accroupissent en tailleur sur leurs talons, ou à la manière des singes sur l’étroit tapis qui déborde vers les roues ; un petit dais soutenu par quatre bouts de bois et des cordes achève de restreindre ce char qui est cahoté au point de sembler volant.

Il est cinq heures du matin et nous ne possédons pour fanaux que les étoiles ; par économie, mon conducteur n’a pas allumé sa lanterne caduque et rudimentaire où se tortille une mèche à esprit de vin. Il ressemble tout à fait à un singe. Je n’ai jamais rencontré un être plus malpropre, plus démaagé dans tout le corps et à pieds plus prenants. Mais il est adroit comme aucun cocher européen ne saurait l’être. Nous voilà allant comme le vent sur la route assez plate, bordée de délicieux arbres chargés de fleurs d’où émane un parfum varié et incessant. Nous faisons quelques pauses. Je ne demande pas mieux, car je me dégourdis les jambes ; le prétexte, c’est de rafraîchir le cheval et de le laisser reposer, mais en somme, mon Hindou veut fumer avec des camarades. Il sort une pipe