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VISIOINS DE L’INDE

brave paysan à qui appartient l’étable où il doit se réfugier quand il pleut ou quand le soleil est trop dur.

Je ne suis plus dupe de ces mendiants fabuleux qui autrefois, dit-on, enseignèrent le Bouddah. Celui-ci, d’ailleurs, ne fit que passer peu de temps avec eux et refusa d’adopter leur inutile ascétisme. Aujourd’hui, l’Inde est si dégénérée que nous n’avons plus que la grimace de ces maîtres du Nirvana, de ces professeurs d’anéantissement. Au fond, tout leur but maintenant se résume à vivre sans rien faire. La populace les adule, si rusée dès qu’il s’agit d’intérêts matériels, si crédule dès que la religion est en jeu. Ainsi, ils satisfont infiniment leur paresse et leur orgueil vide, insensé. Par leur exemple de suicide quotidien, par leur bestialité et leur fainéantise vaniteuse, ils apparaîtraient assez bien à des mystiques catholiques comme les prêtres démoniaques de notre Satan, ce Shiva occidental, des maîtres en damnation, réalisant dès ici-bas un enfer vertigineux et hypnotique. En fait, volontairement ils exterminent leur conscience et leur santé.

Le reste de la route est reposant et doux, dans la fraîcheur réconfortante de l’aurore. Mais une tristesse vague plane dans l’air, la profonde, l’incurable misère de ce peuple, misère morale, misère phy-