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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/270

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VISIONS DE L’INDE

me fait asseoir dans une grande chambre pauvre, ornée seulement d’une statue en plâtre de la Vierge et où deux ou trois fauteuils usés entourent une table sans tapis. Aux premières paroles que je prononce, l’étonnement dilate ses traits. Il fait de visibles efforts pour me comprendre. Enfin, il reconnaît un Français qui lui parle sa langue natale. Et c’est une joie enfantine, presque comique, avec des poignées de main réitérées, des bégaiements, un baragoin où persistent les mots anglais qui, au bout de dix minutes finissent par disparaître : « Excusez-moi, excusez-moi… il y a quarante ans que je ne parle plus français. »

Il m’explique qu’on l’a mis ici à Muttra, parce que la garnison de soldats britanniques est surtout irlandaise. Je lui parle de la ville indigène, des temples, du mythe de Chrisna… Il ne sait que répondre, il rit discrètement de ses lèvres effacées que quarante étés indiens ont radicalement anémiées… Il ne connaît rien de la religion autochtone ; il n’a jamais visité les quartiers hindous. Son cerveau est devenu machinal ; il végète, pareils aux anciens stylites du désert ; il a renoncé définitivement à convertir ces têtus asiatiques, — tout à sa fonction de chapelain pour irlandais.

Il est ici comme, dans quelque village perdu, tel de nos curés de campagne. L’Inde ne l’inté-