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VISIONS DE L’INDE

La matière de ce monument vulgaire — elle est la même, d’ailleurs, dans tout ce quartier de temples — sent l’Inde moderne et pauvre, ne saurait être comparée aux splendeurs complexes des pagodes du sud ni aux opulentes simplicités marmoréennes des mosquées du nord. Il est trivial, ce kiosque populaire, de pierre grise, sans art, sans mystère ; mais ainsi, il n’est que plus extraordinaire et poignant.

Oui, en cette Inde maintenant dégénérée et esclave, conquise par les Anglais, prostituée aux agences de touristes, il témoigne de la survivance tenace du culte ancestral qu’aucune civilisation, aucune invasion de barbares, aucun cataclysme moral ou cosmique n’ont pu déraciner. L’âme mystique de ces adorateurs et de ces adoratrices du Shiva-lingham, que je vois circuler autour de moi, est bien identique à l’âme mystique des premiers idolâtres qui, à l’origine de la période humaine, crurent rendre hommage au Dieu créateur en lui donnant la forme du principe mâle qui féconde. — L’Asie est immobile dans les assises secrètes des sentiments et des pensées…

Mais le pittoresque du spectacle triomphe de toute réflexion philosophique. Au centre, en bas, visible à travers la colonnade, s’érige la pierre noire, svelte, puissante jusqu’à l’idéalisation…