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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/283

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VISIONS DE L’INDE

qu’une tire-lire. Les branches sont criblées de trous où les fidèles jettent leurs offrandes.

J’y laisse tomber quelques roupies en l’honneur de Rada. Je me retourne. Où est-elle ? L’âme hindoue passe aisément de la tendresse à l’horreur. La créature d’amour a été irrésistiblement entraînée vers une image de Kali, je ne sais comment, je ne sais pourquoi introduite, elle l’égorgeuse et la difforme, dans cette enceinte de délicatesse et de beauté. L’apparence larvaire de cette mère infernale chevauche un tigre dont la gueule dégoutte de sang… Rada s’est prosternée comme si l’amour devait rendre hommage au crime. Et pour compléter cette inquiétante vision, au-dessous de l’idole farouche, un enfant de dix ans, la tête ornée d’une toque d’or, grave et déjà extasié, vient de s’asseoir pour étudier des manuscrits védiques.

Oui, c’est bien tout ce pays étrange, fait de douceur, de puérilité, de grâce lascive, de science exaltée et de haine féroce, cette femme belle prosternée devant la hideur, et ce petit abrité par un monstre et chantant des versets mélodieux à des dieux infâmes.