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VISIONS DE L’INDE

III

La Colonne de Miséricorde.

C’est assez pour aujourd’hui. J’ai besoin d’air et de campagne. Le cocher me transporte hors de Delhi la nouvelle, loin des cantonnements anglais, vers l’immense champ aride où sont couchées et parfois ensevelies tant de cités. Le soir tombe. Le guide, pieux et procurateur de joies, (cette qualité respectable et ce métier disqualifié s’allient très naturellement dans l’Inde), m’épie, du coin de son œil ténébreux où la malignité aiguise les convoitises. Je ne le gronde pas ; je le paie ; son âme se dilate. Il me demande la permission de s’arrêter pour boire.

Un vieillard vend, tout près d’un pagotin trop pauvre que prêtres et fidèles ont déserté, une liqueur de fruit où est fondue la terrible et exquise confiture de « cannabis indica ». « Vous buvez, vous autres Européens, votre wisky qui est de l’alcool pernicieux et impur ; nous, nous abreuvons avec l’essence des fleurs et avec l’âme subtile de la terre. »

Puis l’idéalisme fît place à l’avarice : « Votre wisky coûte une demi-roupie le verre, tandis que

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